Alimentation Cétonique

Alimentation Cétonique

18 Sep 2019

Par Pierre-Olivier Pinard B.Sc. CFMP

Pierre-Olivier Pinard B.Sc. CFMP

L’alimentation cétogène

Avez-vous entendu parler de l’alimentation cétogène ou en anglais la ‘ketogenic diet’ ? Si ce n’est pas le cas, ça ne devrait pas tarder puisque ce type d’alimentation est très en vogue depuis les dernières années aux États-Unis et plus récemment au Québec. Je vous donnerai aujourd’hui mon opinion informée sur le sujet mais d’abord, commençons par bien comprendre de quoi nous parlons.

Dans ce type d’alimentation, les aliments à haute teneur en lipides (gras) sont privilégiés. Environ 80% des besoins énergétiques proviennent de ce type d’aliments. Pour ce qui est des protéines, l’apport alimentaire devrait en contenir autour de 10-20%. Cette proportion est très importante, car si les apports sont trop élevés, cela favorise la production de sucre par le foie et empêche l’entrée en état de cétose. Finalement, 5-10 % des besoins énergétiques sont sous forme de glucides. En général, on vise 20 à 50g de glucides par jour pour entrer en état de cétose. Au-delà de 50g de glucides par jour, il n’y a pas d’état de cétose possible.

Après plusieurs jours de ce type de nutrition, les réserves de sucre ou plutôt de glucose deviennent insuffisantes pour fournir l’énergie nécessaire au corps. Dès lors, la principale source d’énergie est fournie par la dégradation des acides gras et la production de corps cétoniques. On parle ainsi de cétose.

Il est important de consommer certains aliments et de réduire voire même éliminer certains autres de l’alimentation puisqu’ils ont une teneur trop élevée en glucides. Même si certains aliments sont à conseiller, il faut quand même en consommer de façon limitée. L’apport en glucides et/ou en protéines n’est pas négligeable avec certains aliments. Or, il faut absolument viser une consommation modérée de protéines et très élevée de lipides. Il est donc nécessaire de bien calculer les portions pour chaque aliment consommé afin de ne pas dépasser les valeurs qui permettent de rester en état de cétose. En cas d’une consommation inadéquate d’aliments, un bris de la cétose obligera de reprendre complètement le processus, et ce, sur une période de plus d’une journée. Vous commencez probablement à entrevoir la complexité d’une telle alimentation.

Voici une liste d’aliments qui sont conseillés et déconseillés si l’on veut bien respecter les restrictions.

 

Conseillés Déconseillés
Légumes verts à feuilles Épinards, chou collard, bette à carde, chou frisé… Grains Riz, avoine, orge, maïs, quinoa, seigle…
Légumes à faible teneur en glucides Brocoli, chou-fleur, champignon, courgette, asperge… Légumineuses Haricot rouge, haricot noir, lentilles, pois…
Fruits oléagineux Amande, noix du Brésil, noix de macadamia, noisette, pacane… Légumes féculents Pomme de terre, patate douce, panais, citrouille, igname…
Graines Graines de chia, de citrouille, de tournesol, de sésame, de lin, de chanvre… Fruits à haute teneur en glucides Banane, orange, pomme, pêche, prune…
Viandes, poissons, œuf Œuf, bœuf, bacon, charcuteries, poissons gras… Sucre Sirop d’or, miel, agave, sucre blanc, sucre brun…
Avocat
Baies à faible teneur en glucides Framboise, mûre, fraise…
Produits laitiers Yogourts, fromage blanc, lait, crème, fromage, beurre…
Beurre de noix Beurre d’amande, de noix de coco, de graines de tournesol…
Édulcorants à faible teneur en glucides Stévia, érythritol…
Huiles végétales Huile de noix de coco, d’avocat, d’olive, de sésame…

 

Que dit la science sur ce sujet ? Les effets sur la santé

Hypertension artérielle

Selon une étude de Kosinski et Jornayvaz (2017), les résultats démontrent que ces diètes sembleraient associées à une diminution, non significative, de la tension artérielle tant systolique que diastolique. Par contre, l’article ne décrit pas si une diminution du nombre ou de la posologie des médicaments hypotenseurs a été identifiée à la suite d’une diète cétogène. Par ailleurs, les effets positifs n’ont pas été objectivés à moyen terme.

Obésité

De nombreuses études ont été publiées et démontrent une corrélation entre les diètes pauvres en glucides et la perte de poids. En effet, celles-ci semblent être une bonne alternative pour perdre du poids. Dans l’étude de Foster et al. (2003), des diminutions de 5 à 14 kg du poids de base ont été démontrées avec une perte de poids majoritairement due, à une diminution de la masse graisseuse plutôt qu’a de la masse musculaire. Une seconde étude de Santos et coll (2012) démontre qu’une alimentation pauvre en glucides mènerait à une diminution significative du poids, de l’index de masse corporelle, de la circonférence abdominale, de la tension artérielle systolique et diastolique, des triglycérides, de la glycémie et à une augmentation du HDL-cholestérol sans changement significatif du LDL-cholestérol. L’effet à long terme n’a cependant pas été investigué.

Une étude de Naude et coll. (2014)  a conclue à peu ou pas d’amélioration des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires suite à un suivi de 24 mois. Finalement, les auteurs ont également conclu que l’adhérence stricte au régime avait diminué ou échoué au fil du temps dans la plupart des études.

Résistance à l’insuline et diabète de type 2

Chez les patients obèses non diabétiques, suivre une diète cétogène induit une amélioration de la sensibilité à l’insuline (donc meilleure absorption du glucose dans les cellules) et une diminution du glucose à jeun dans la majorité des études. En revanche, l’effet semble ne pas se poursuivre à long terme.

Chez les diabétiques de type 2, on voit une diminution des taux de glucose dans le sang, de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) qui représente la moyenne de la glycémie des 3 derniers mois ainsi que de la sensibilité à l’insuline. Ces effets ont été constatés parfois même sans perte de poids. On voit même parfois une diminution du nombre de médicaments antidiabétiques oraux et des besoins en insuline. Par contre, ces multiples effets positifs semblent à nouveau limités dans le temps et ne perdurent pas après 1-2  ans. Le contenu de la diète cétogène est aussi important, comme en témoigne une étude qui a montré un risque accru de développer un diabète de type 2 avec des protéines et des graisses animales, alors que ce risque était diminué avec des protéines et des graisses d’origine végétale.

Les 2 points clés de l’alimentation cétonique semblent se dégager et se résumer dans l’efficacité de cette alimentation pour gérer différents problèmes de santé et de poids et deuxièmement, en sa grande complexité à être appliqué dans un monde où les glucides sont partout dans l’offre alimentaire.

En sommes, mon opinion sur le sujet est que l’alimentation cétonique peut, dans certaines circonstances, être un atout intéressant pour ceux et celles qui veulent faire le test de s’éloigner des glucides et voir comment leur corps peut fonctionner autrement. Par contre, il ne faut pas prendre à la légère les enjeux des contacts avec son environnement familial et social qui seront complexifiés par ce type d’alimentation.

 

Avec la participation à la rédaction de Sarah Bouchard cand. B.Sc Kinésiologie

 

 

Référence

Kosinski, C., Jornayvaz, F. (2017). Diètes cétogènes : la solution miracle ?, Revue médicale suisse, 13(565), 1145-1147.

Foster, G.D., Wyatt, H.R., Hill, J.O., et al. (2003). A randomized trial of a low-carbohydrate diet for obesity. N Engl J Med, 348, 2082-2090.

Santos, F.L, Esteves, S.S., da Costa Pereira, A., Yancy, Jr. W.S., Nunes, J.P.L. (2012). Systematic review and meta-analysis of clinical trials of the effects of low carbohydrate diets on cardiovascular risk factors: Low carbohydrate diets and cardiovascular risk factors. Obes Rev, 13, 1048-1066.

Bueno, N.B., de Melo, I.S.V., de Oliveira, S.L., et da Rocha Ataide, T. (2013). Very-low-carbohydrate ketogenic diet v. low-fat diet for long-term weight loss: A meta-analysis of randomised controlled trials, Br J Nutr, 110, 1178-1187.

Naude, C.E., Schoonees, A., Senekal, M., et al. (2014). Low carbohydrate versus isoenergetic balanced diets for reducing weight and cardiovascular risk: A systematic review and meta-analysis. PloS One;9:e100652.

Jornayvaz FR. Fibroblast growth factor 21, ketogenic diets, and insulin resistance. Am J Clin Nutr 2011;94:955; author reply 956-7