Cycle menstruel et entraînement, quels sont les impacts ?

Malgré le fait que les femmes composent la moitié de la population, les chercheurs dans le domaine de l’activité physique et de la santé effectuent peu d’études sur les particularités dans leurs réponses et leurs adaptations à l‘entraînement. En effet, nombreux d’entre eux affirment que c’est un champ d’études trop complexe ou trop variable pour effectuer des recherches, dû à la variation d’hormones sexuelles importantes et aux variabilités interindividuelles. Ils déclarent qu’il est difficile d’émettre des conclusions fiables et valides sur le sujet. Malheureusement, pratiquement toutes les femmes ont été ou sont affectées par leur cycle menstruel, un processus biologique encore tabou dans plusieurs cultures, ce qui impact leurs performances et leurs entraînements. Un intérêt grandissant a été observé dans les dernières années et de plus en plus d’études tentent de démystifier les effets du cycle menstruel sur l’entraînement. Quelles sont les phases du cycle menstruel et comment ont-elles un impact sur les entraînements chez la femme? Après avoir analysé de récents articles, et à la lecture de l’ouvrage intitulé ROAR, par Stacy Sims & Selene Yeager, j’ai relevé d’intéressantes informations sur diverses caractéristiques des phases du cycle menstruel ayant un impact sur l’entraînement des femmes. Les variations des taux d’hormones sexuelles durant les phases du cycle menstruel rendent les femmes très différentes aux hommes, surtout en ce qui concerne la récupération, les adaptations à l’entraînement et l’efficacité de différents systèmes du corps durant un effort physique.

 

Afin de mieux comprendre les effets des phases du cycle menstruel sur l’entraînement, il faut d’abord connaître ces phases et les deux hormones régulant celles-ci : la progestérone et l’œstrogène. Les taux de ces hormones varient tout au long du cycle, puis provoquent de multiples effets chez la femme. Dans le contexte de l’article, nous allons plus précisément nous intéresser aux conséquences qu’elles ont sur l’entraînement. Le cycle est séparé en deux phases, la phase folliculaire et la phase lutéale. Un cycle dure en moyenne 28 jours, pouvant cependant varier entre 21 à 35 jours selon chaque femme. La première phase, la phase folliculaire, débute aux menstruations et se termine à l’ovulation. Durant cette phase, le taux d’œstrogènes augmente graduellement pour chuter au jour de l’ovulation; nous pouvons dire que c’est à ce moment que la femme « remonte la pente », puisque l’œstrogène a plusieurs effets positifs sur l’entraînement. Ensuite, la phase lutéale débute. Les taux d’œstrogène, mais surtout de progestérone, augmentent, afin de préparer le corps au cas où il y aurait une fécondation. C’est durant cette phase que le taux de progestérone augmente et surpasse le taux d’œstrogène pour stimuler la formation de la couche qui forme l’écoulement sanguin lors des menstruations. Les taux de ces hormones atteignent leurs sommets quelques jours avant les menstruations, au moment où les effets du syndrome prémenstruel débutent, comme la fatigue, la prise de poids et l’irritabilité. C’est donc à ce moment que les femmes ressentent les effets négatifs du cycle. Finalement, ces deux hormones chutent à la fin de cette phase et, s’il n’y a pas de fécondation, c’est le début des menstruations (c’est à ce moment que le cycle recommence).

 

Bien que les indicateurs principaux pour la performance sportive soient le VO2 (la capacité de transport de l’oxygène) et le seuil lactique (le marqueur de tolérance à l’exercice durable), des études mettent en évidence que les femmes peuvent produire plus de force, que les gains en force sont plus importants et qu’elles ont plus d’énergie et d’endurance lorsque le taux d’œstrogène augmente. De récentes études ont comparé les effets de différentes périodisations d’entraînement contre-résistance sur des femmes ayant un cycle menstruel régulier. Les chercheurs recommandent, si c’est possible, d’augmenter la charge d’entraînement durant la phase folliculaire, puisque l’augmentation de la force musculaire et du diamètre des muscles est plus importante durant cette phase. L’œstrogène aurait donc un effet protecteur sur les dommages musculaires. Lorsque nous effectuons un entraînement inhabituel ou à hautes charges, des dommages musculaires en résultent, comme des courbatures, puis une diminution de la force musculaire et de l’amplitude de mouvement (au niveau de nos articulations). L’œstrogène accélère la réparation des tissus endommagés, donc le processus de récupération après entraînements, ce qui fait en sorte que les femmes récupèrent plus vite durant la phase folliculaire.

 

De plus, lorsque le taux de progestérone est élevé ou que le taux d’œstrogène est bas (durant la phase lutéale ou au début de la phase folliculaire), la femme développe moins facilement sa masse musculaire. La progestérone augmente la dégradation des protéines musculaires, ce qui nuit à la réparation des tissus musculaires après un entraînement. Comme expliqué précédemment, l’œstrogène accélère la récupération, ce qui fait en sorte qu’au début de la phase folliculaire, lorsqu’il y a moins d’œstrogène en circulation, la femme récupère moins rapidement puisqu’il y a une diminution de ses effets bénéfiques. Durant la phase lutéale, même si le taux d’œstrogène est assez élevé, elle doit rivaliser avec l’effet de la progestérone, ce qui fait en sorte qu’il est plus difficile pour une femme de récupérer de ses entraînements. C’est donc durant la phase folliculaire, à la suite des menstruations, qu’il est avantageux pour une femme d’augmenter les charges d’entraînement, comme l’intensité, le volume et la fréquence des séances, puisque c’est à ce moment qu’elle est à son plein potentiel pour faire des gains.

 

L’augmentation de l’œstrogène a bien des effets positifs, mais elle est précédée, au début de la phase folliculaire, par les menstruations. Pour certaines femmes, celles-ci peuvent être très abondantes et causer de l’anémie, qui est la diminution du taux de fer dans le sang. Le fer est un élément indispensable pour transporter l’oxygène dans l’organisme et souffrir d’anémie peut provoquer de la fatigue, des palpitations, des essoufflements et des étourdissements durant les entraînements. C’est pourquoi il est important de rester alerte si ces signes et symptômes apparaissent et qu’il est conseillé d’aller consulter un spécialiste.

 

Vous avez probablement tous déjà remarqué que nous, les femmes, avons une envie irrésistible de consommer du sucre juste avant nos menstruations? Durant la phase prémenstruelle (à la fin de la phase lutéale), l’œstrogène limite l’utilisation des glucides en réserve pour les préserver dans le cas où il y aurait une fécondation. Ceci pourrait expliquer pourquoi nous avons ces « cravings » de sucre, l’organisme envoie un signal qu’il a besoin de glucides, puisque l’œstrogène limite l’utilisation des réserves. Pour fournir l’énergie nécessaire aux entraînements, l’organisme augmente alors l’utilisation des graisses en réserve pour produire de l’énergie, ce qui est excellent pour des entraînements en endurance, comme la natation ou le ski de fond. Cependant, pour effectuer des efforts à haute intensité, comme les entraînements « HIIT » ou en puissance musculaire, les glucides sont essentiels, puisqu’ils sont une source d’énergie rapide. Il est donc particulièrement important pour les femmes, durant cette phase, d’augmenter leur consommation de bons glucides, en mangeant des aliments comme du gruau, du quinoa, des pommes de terre ou des dattes, pour que l’organisme fournisse l’énergie nécessaire à l’entraînement.

 

Les femmes peuvent sentir qu’il est plus difficile de fournir un effort physique durant la phase lutéale. Pendant cette période, il y a une diminution du volume de sang, qui transporte les nutriments et l’oxygène pour fournir l’énergie aux muscles. Lorsque l’on fait de l’exercice physique, les besoins énergétiques sont plus élevés. La perception de l’effort peut donc être augmentée durant cette période, puisque l’apport en oxygène et en nutriments aux muscles est moins efficace pour subvenir aux besoins énergétiques du corps durant l’entraînement. De plus, la température basale du corps est augmentée pendant la phase lutéale, ce qui, additionné au plus bas volume de sang, fait en sorte qu’il est plus difficile pour l’organisme de réduire la température du corps pendant l’exercice physique. La femme sue aussi moins que les hommes pour un même niveau d’effort durant cette phase, elle est donc plus à risque de subir un coup de chaleur lors de longs exercices d’endurance à la chaleur, comme une longue sortie à vélo ou un marathon.

 

Dans les sports comme le tennis ou le soccer, l’organisation spatiale est essentielle pour, par exemple, localiser les autres joueuses et les cibles durant les matchs. Cette faculté se définit par la capacité à situer un objet ou une personne dans l’espace, par rapport à des repères ou à soi-même. Fait intéressant, il est à noter que, durant la phase lutéale, cette capacité est moins efficace, ce qui peut impacter de façon négative la performance sportive dans les sports où elle est déterminante.

 

Pour conclure, nous avons vu précédemment que les fluctuations des hormones sexuelles de la femme ont des impacts positifs et négatifs sur leurs entraînements et leur performance, et ce, tout au long du cycle menstruel. Effectivement, elles exercent une influence sur la performance, la récupération, le métabolisme, la circulation sanguine et l’organisation spatiale durant l’exercice physique. De nombreuses études dans ce domaine suggèrent aux différents chercheurs d’approfondir le sujet, puisque, encore à ce jour, les études de qualité sont encore peu nombreuses et qu’il nous reste encore beaucoup à apprendre. Toutefois, les articles se multiplient d’année en année, donnant espoir à de nouvelles découvertes afin d’optimiser les entraînements et les adaptations à l’entraînement chez la femme, parce qu’elles ne sont pas de « petits hommes » et que ce serait tout à leur avantage de considérer les particularités qui leur sont propres.

 

Sources :

 

McNulty, K.L., Elliott-Sale, K.J., Dolan, E. et al. The Effects of Menstrual Cycle Phase on Exercise Performance in Eumenorrheic Women: A Systematic Review and Meta-Analysis. Sports Med 50, 1813–1827 (2020). https://doi-org.ezproxy.usherbrooke.ca/10.1007/s40279-020-01319-3

 

McKinley, Michael P., O’Loughlin, Valérie D. et Bidle, Theresa S. (2014) Anatomie et physiologie. Chenelière Éducation.

 

Thompson, B., Almarjawi, A., Sculley, D. et al. The Effect of the Menstrual Cycle and Oral Contraceptives on Acute Responses and Chronic Adaptations to Resistance Training: A Systematic Review of the Literature. Sports Med 50, 171–185 (2020). https://doi-org.ezproxy.usherbrooke.ca/10.1007/s40279-019-01219-1

Romero-Parra, N., Cupeiro, R., Alfaro-Magallanes, V., Rael, B., Rubio-Arias, J., Peinado, A. & Benito, P. (2021). Exercise-Induced Muscle Damage During the Menstrual Cycle: A Systematic Review and Meta-Analysis. Journal of Strength and Conditioning Research, 35 (2), 549-561. https://oce-ovid-com.ezproxy.usherbrooke.ca/article/00124278-202102000-00035/HTML

Sims, S., Yeager, S. (2016) ROAR. Rodale Inc.

 

Autrice : Sandrine Drolet cand. B.Sc. Kin

Révision : Cynthia Labrecque B.Sc. & Pierre-Olivier Pinard B.Sc. CFMP DESS