Pierre-Olivier Pinard B.Sc. CFMP
Êtes-vous prêt à avoir la COVID19 ? (2e Partie)
04 Avr 2020
Partie II – Physiologie
Cette 2e partie ne se veut pas être trop vulgarisée. Il est important de réviser quelques fondements de la physiologie humaine pour comprendre à quel point nous avons du contrôle sur notre santé et sur la réaction du corps à un envahisseur comme le SARS-CoV-2 qui crée la COVID-19.
Premièrement, revenons sur la cascade de réactions qu’une personne infectée subira. Si une personne infectée éternue dans la même pièce que vous ou bien que vous portiez votre main au visage après avoir fait l’épicerie toujours en présence d’une personne infectée dans les heures précédentes, le virus aura alors un endroit chaud et humide pour s’installer et commencer à se multiplier dans vos voies respiratoires.
Le virus a l’intention de nuire le moins possible à votre santé. Son seul objectif dans la vie est de se multiplier et se propager. Pour ce faire, l’hôte doit donc être le plus fonctionnel possible et surtout, il ne doit pas mourir puisque ce serait un échec pour le virus qui disparaitrait avec l’hôte (1). Le problème demeure donc le niveau de santé initiale de l’individu infecté plus que le virus en soit. Bien qu’il est vrai que certaines personnes en santé ont des complications, il semble que le pourcentage soit relativement faible. Au Québec, en date du 4 avril il y avait exactement 6101 cas d’infection avec un taux de décès de 0,99% (2). Au Canada, le pourcentage augmentait à 2,51%. Le sommet de la courbe semblerait avoir été atteint entre le 18 et le 20 mars dernier selon les statistiques partielles disponibles sur le site du gouvernement du Canada (3). Par contre, ces statistiques pourraient ne pas être aussi à jour que celles rapportées par les médias et les points de presse qui tendent à indiquer une poursuite de la hausse des nouveaux cas dans les derniers jours (4). Dans tous les cas, il semble que la méthode actuelle porte fruits. Bien qu’il soit impossible d’avoir un bilan de la santé des gens ayant des complications critiques menant à la mort, nous pouvons possiblement nous comparer à la population italienne et ses statistiques. En ce sens, nous aurions actuellement un total de 187 à 426 canadiens aux soins d’urgences possiblement en soutient à la respiration, 2 à 3 personnes seraient décédées malgré une bonne santé (donc une absence de maladie chronique) et prêt de 250 personnes seraient décédés de complications liées à un problème de santé chronique préexistant (4,5).
Si le virus s’installe dans vos voies respiratoires, il passera peut-être inaperçu, mais jamais aux yeux de votre système immunitaire. Voyons voir comment celui-ci pourra gérer cette infection spécifique.
Le système immunitaire
Le système immunitaire représente la principale ligne de défense du corps après la peau. Il est composé d’une myriade de protéines génériques et spécifiques capables de gérer presque tous les envahisseurs et traumas possibles. Sans immunité, point de vie possible. Agissant comme une armée interne, ce système est si puissant qu’il peut très bien vous rendre malade ou pire, vous tuer. Plusieurs maladies auto-immunes comme l’arthrite, certains troubles de la thyroïde, le psoriasis et même les maladies cardiovasculaires sont liées aux marqueurs inflammatoires (5,6). Il faut donc comprendre que nous cherchons constamment à garder un équilibre dans les réactions du système immunitaire à savoir qu’il doit réagir juste comme il faut, ni trop, ni trop peu. Une réaction trop légère permettrait au virus de se multiplier et une réaction trop forte pourrait causer de gros dommages aux tissus infectés.
Lorsque mon fils de 2 ans se cogne la tête sur le coin de l’armoire, la réaction inflammatoire est rapide et importante. En quelques secondes, une belle bosse rouge apparaît, conséquence d’une accumulation de sang liée à la rupture des capillaires sanguins locaux, mais également à l’arrivée en masse de cellules immunitaires. Cette réaction est cruciale, même si toujours exagérée. Le corps réagit à chaque fois comme si le traumatisme était critique. Il est programmé ainsi puisqu’il y a quelques milliers d’années, un choc pouvait mener à de graves conséquences. L’automatisme de ma conjointe de lui placer un sac de glace sur le front est excellent puisque ce faisant, elle réduit grandement la quantité inutile de protéines inflammatoires présentes en plus de réduire la douleur sans médication nécessaire (7). Elle réduit la réponse extrême du système immunitaire qui, bien que voulant aider, nuit à la récupération des tissus lésés. Nous verrons qu’une surréaction peut parfois avoir des conséquences plus graves encore.
La fièvre
Que ce soit à la suite d’un choc, d’une brûlure, d’une piqûre d’insecte ou d’une infection de type COVID19, la réaction inflammatoire est là pour nous sauver. Dans le cas l’infection, l’objectif prioritaire du corps est de se débarrasser de l’envahisseur au plus vite. Pour se faire, il dispose de plusieurs options, dont une des plus efficaces étant de le tuer par la chaleur. Ce que nous percevons comme une fièvre est en fait l’action du système immunitaire qui met en place une série de réactions impressionnantes qui vont permettre au corps de devenir un sauna suffocant pour le virus. C’est d’ailleurs pourquoi il ne faut pas toujours combattre la fièvre avec de la médication et des bains d’eau froide. Si celle-ci est contrôlée et que vous être relativement confortable, vous pouvez endurer une certaine dose de fièvre et lui laisser faire le travail. Évidemment, je ne parle pas ici d’un bébé ou d’une personne âgée pour qui le processus de fièvre est moins bien calibré.
De plus, le corps doit gérer cet envahisseur en même temps qu’il doit analyser une foule d’autres bactéries et protéines comme la flore intestinale et les protéines alimentaires en circulation. Il a donc un travail constant d’analyse de menaces potentielles et d’interventions face à une menace présente. Le niveau de complexité de ce système est à l’image de la magie qui crée la vie, ou l’enlève. C’est fascinant !
Immunité innée et adaptative
En marge de l’hyperthermie (fièvre) que le système immunitaire peut créer, plusieurs autres molécules sont en jeu. Les premières cellules qui arrivent sur les lieux de l’invasion sont liées au à l’immunité innée et regroupent, entre autres, les macrophages et les globules blancs. Elles sont rapidement mobilisées pour commencer à analyser la situation et si nécessaire appeler d’autres cellules plus spécifiques et liées à l’immunité adaptative. C’est dans cette 2e phase que les anticorps sont créés par le corps pour combattre spécifiquement l’infection en question. C’est aussi pourquoi cette infection de type COVID19 est problématique puisque le virus SARS-CoV-2 était inconnu chez l’humain jusqu’à tout récemment. Un système immunitaire ne peut pas se prémunir efficacement et rapidement contre quelque chose qu’il ne connait pas. D’un autre point de vue, si le virus ne mute pas, chaque personne infectée pourrait être immunisée par ses propres anticorps durant plusieurs mois, voire plusieurs années (8,9). Sans vaccin, une personne infectée reste contagieuse longtemps avant de former ses troupes d’infanterie spécifiques et éliminer le virus. Puisque l’OMS estime à mai 2021 le délai pour avoir un vaccin, il vaut mieux prendre soin de son immunité pour produire nous-mêmes les anticorps nécessaires et combattre efficacement cette infection (10).
Plongeons un peu plus loin dans l’immunité adaptative. Afin pour que corps de savoir quelles protéines créer pour combattre l’infection, celui-ci se base sur les messages envoyés par les cellules de l’immunité innée déjà citées. Comment se font ces messages ? Bien que ce serait pratique d’utiliser une ligne téléphonique directe via le système nerveux, c’est plutôt via la sécrétion de cytokines inflammatoires que le message envoyé. Qui dit cytokines inflammatoires, dit stress oxydatif et donc radicaux libres qui auront aussi comme fonction de tuer le SARS-CoV-2. Le stress oxydatif engendré par certaines cellules immunitaires peut être tel qu’il y a production de peroxyde d’hydrogène (11–13). Le nom vous dit quelque chose ? Vous pouvez en acheter à la pharmacie du coin pour 2$ et en faire un antiseptique très efficace pour désinfecter les surfaces ou même une coupure superficielle. C’est une substance qui est très puissante et vous le devinerez si vous avez l’occasion d’en appliquer sur une coupure un jour.
Un stress oxydatif contrôlé fait partie d’une réponse inflammatoire normale et permet au corps de gagner la bataille. Un stress oxydatif incontrôlé entrainera par contre une production exponentielle de radicaux libres qui mènera peut-être à un choc cytokinique qui lui-même entraînera la mort (14). C’est d’ailleurs ce qui a été vu lors de la grippe aviaire (H5N1) en 2008 et de la grippe espagnole au début du siècle où les gens mourraient de suffocation en quelques jours (15). Les lésions pulmonaires attribuables à l’infection seraient des conséquences du choc cytokinique et donc à une surréaction du corps. Le corps nous tue en tentant de tuer l’ennemie aussi paradoxale que cela puisse paraître.
Médication
Vous avez probablement entendu qu’il valait mieux éviter les anti-inflammatoires en ces temps troubles. La raison étant que ce type de médication diminue notre capacité à nous défendre contre les agressions. Par contre, les médicaments présentement étudiés pour gérer les symptômes de la COVID19 sont des anti-inflammatoires spécifiques. L’enjeu est grand puisque malgré le fait que ce soit le système immunitaire qui soit responsable des difficultés respiratoires de cas sévères, c’est aussi lui qui maintient la personne en vie. Donner une médication anti-inflammatoire trop rapidement pourrait condamner la personne en lui retirant ses défenses et lui donner trop tard aurait la même conséquence puisque les lésions seraient déjà présentes (12,16). La chloroquine, médicament défrayant les manchettes, aurait également un effet direct sur le virus en laboratoire. Selon l’Université Harvard, ce médicament permettrait de tuer le virus en plus de rendre plus difficile l’entrée de celui-ci dans les cellules (17,18). Tout ceci permet d’apprécier le travail de recherche qui se fait présentement et tout le défi de pouvoir gérer cette nouvelle infection sans avoir de vaccin qui permettrait de fournir des anticorps à une large portion de la population.
En somme, il semble que le cœur du problème réside en la capacité personnelle de gérer un envahisseur de la bonne façon. La question est donc à savoir si nous avons un contrôle sur cette gestion. La réponse est oui et ce contrôle se ventile de façon tentaculaire dans une foule de directions. Explorons ce que nous pouvons faire.
La partie III de ce texte sera en ligne demain et se penchera sur ce qu’il faut faire pour avoir une immunité à toute épreuve.
- Drexler M, Medicine (US) I of. How Infection Works [Internet]. What You Need to Know About Infectious Disease. National Academies Press (US); 2010 [cited 2020 Apr 1]. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK209710/
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