Quel est le prix de notre sédentarité ?

17 Fév 2023

Par Hugo Bergeron csnd. B.Sc. Kin

Hugo Bergeron cand. B.Sc. Kin

Vous rappelez-vous la dernière fois que vous avez mangé debout? La dernière fois que vous avez fait du travail personnel à l’ordinateur debout? La dernière fois que vous avez regardé un film ou la télévision debout? La dernière fois que vous avez assisté à une conférence ou une rencontre d’équipe debout? Toutes ces questions seraient plus simples si elles se terminaient par le mot « assis », n’est-ce pas? Par ailleurs, les réponses seraient probablement « aujourd’hui » ou « hier », êtes-vous d’accord? Quelle est la raison derrière cette conviction? La réponse simple et plate est: « on est toujours assis ou en train de se déplacer pour s’asseoir ailleurs ! ». Et ça, c’est sans compter les 7 à 9h de sommeil où nous sommes, bien évidemment, coucher.   

C’est une réalité qui nous passe dix pieds par-dessus la tête parce que nous sommes la majorité à avoir la possibilité de décider ce que nous voulons faire de notre corps en tout temps! Je veux aller patiner, je peux! Je veux aller faire une randonnée au Mont-Orford, je peux! Je veux regarder le match des Canadiens, je peux. Vous comprenez le principe. Et si je vous disais que ce privilège, celui de pouvoir bouger librement, (oublions les débats sur le libre-arbitre), peut sournoisement devenir une source de problèmes de santé graves. En effet, selon la littérature scientifique, avoir l’option de bouger et ne pas la choisir entraîne l’augmentation des risques de développer la plupart des maladies chroniques, plusieurs cancers et même de réduire l’espérance de vie.  

Fait à noter, la sédentarité, l’inactivité physique, l’entraînement et l’activité physique sont des concepts distincts toutefois liés et il est important de les différencier pour comprendre leur impact sur la santé. L’inactivité physique se décrit par l’absence de mouvement corporel produit par les muscles squelettiques, qui engendre une dépense énergétique. Cela inclut également la sédentarité, mais va plus loin en incluant aussi les personnes qui ne dépassent pas les niveaux d’activité recommandés. Ceux-ci étant l’atteinte d’au moins 150 à 300 minutes par semaine d’activité physique aérobie d’intensité modérée pour les adultes selon les lignes directrices de l’OMS (2021). Enfin, l’activité physique est l’inverse de l’inactivité physique et elle inclut toutes les formes d’exercice y compris l’entraînement, la marche, la danse, les travaux ménagers, etc. (Lee et al. 2012).  

Voici une statistique frappante. Selon les données de la SAAQ, il y a eu 394 décès dus aux accidents de la route au Québec et environ 1,24 millions dans le monde entier selon l’OMS en 2010. Lors de la même année, 3,2 millions de décès sont attribuables à la sédentarité selon les données de l’enquête « Global Burden of Disease » que l’on retrouve dans l’étude de Lee et al (2012).  

Maintenant que j’ai votre attention et votre compréhension du sujet, voici les effets négatifs attribuables à la sédentarité en rafale:  

  • Augmentation du risque de maladies cardiaques, d’accidents vasculaires cérébraux, de diabète de type 2 et de certains types de cancer (Lee et al, 2012) 
  • Réduction de l’espérance de vie et augmentation des coûts liés aux soins de santé (Lee et al, 2012) 
  • Augmentation de l’obésité (Camirand et al, 2016), (Lee et al, 2012) 
  • Augmentation des risques de troubles musculosquelettiques (Gauvin, 2004) 

L’étude systématique de Lee et al. à propos de l’effet de l’inactivité physique sur les maladies non-transmissibles à travers le monde permet de chiffrer l’impact de la sédentarité. En effet, on retrouve les résultats de plusieurs études scientifiques qui convergent tous vers les mêmes conclusions.  

Les résultats de l’étude de Stamatakis et al. (2019) ont montré que chaque heure supplémentaire passée en position assise était associée à un risque accru de 12 % de décès toutes causes confondues et cela indépendamment de l’activité physique pratiquée par l’individu. Donc, être très actif et atteindre les recommandations de l’OMS n’efface pas toutes les heures passées en position assise (sédentaire). Cette étude a été menée sur une population de plus de 200 000 personnes (Australien( ne s) âgé( e )s de plus de 45 ans) suivies pendant 8 ans. L’étude ne mentionne pas ce qu’une heure supplémentaire représente, mais si l’on se fie à nos voisins d’en bas (les Américains), un adulte passe en moyenne 8 heures/jour en position assise (ACSM, 2018). Alors, tout ça pour dire que vos chances de mourir sont à la hausse si vous accumulez plus de huit tranches d’heures en position assise ininterrompues par jour. On retrouve d’autres évidences des effets de la sédentarité sur la santé générale dans l’étude de Camirand et al. qui mentionne par ailleurs que près d’un tiers de la population est maintenant considéré comme sédentaire (Institut de la statistique du Québec, 2016). Des données qui sont du passé me dites-vous, mais sommes-nous raisonnables et justes en affirmant qu’une pandémie mondiale de près de 3 ans nous a permis d’être plus actifs? Alors, mieux vaut essayer de limiter le plus possible ces moments sédentaires, n’est-ce pas? Pour avoir plus d’information sur comment réduire son temps inactif vous pouvez consulter l’article écrit par Cynthia Labrecque, kinésiologue, intitulé « Suis-je sédentaire sans le savoir? ».  

Approfondissons la question ensemble, au niveau du corps humain, qu’elle est le résultat le plus connu de l’inactivité physique? Oui, le déconditionnement en est un, tout comme l’obésité. Dans plusieurs études, on constate qu’être sédentaire ou inactif impacte directement les chances d’être obèse, que ce soit par la régulation moins efficace du niveau de satiété ou par le ralentissement du métabolisme. (Stamatakis et al 2019). Il est important de noter que l’obésité se définit comme un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 (OMS, 2023) et que l’obésité est une condition qui peut causer plusieurs maladies chroniques en soi. En portant un regard sur la population âgée de 60 ans, on retrouve les mêmes corrélations. En effet, les personnes âgées qui sont physiquement actives sont moins à risque de souffrir de problèmes de santé tels que la dépression, la maladie d’Alzheimer, d’arrêt vasculaire cardiaque, du cancer de la prostate ou du sein, de fracture et de chutes fréquentes tout en ayant une meilleure qualité de vie et des fonctions cognitives supérieures à la moyenne de leur tranche d’âge. (Cunningham, 2020) Alors qu’au revers de la médaille se trouvent les personnes âgées qui sont inactives et qui voient leur risque de souffrir de l’ensemble de ces problèmes de santé augmenter proportionnellement à leur niveau d’inactivité. Il est important de noter que les études mentionnées dans cet article ont des méthodologies différentes et des populations ciblées différentes. Il faut ainsi prendre le temps de considérer ces facteurs lors de l’interprétation des résultats et de ne pas généraliser les conclusions à toutes les populations. Il est également important de noter que toutes les études scientifiques doivent être examinées avec un esprit critique pour évaluer la validité et la pertinence des résultats.  

Quand on y pense, nous sommes tous dans le même bateau, et quoique les milieux professionnels et sociaux soient différents, ils contribuent tous à un mode de vie sédentaire. Que ce soit à l’école, assis pendant qu’on écoute le professeur, que ce soit au travail, assis pour avancer un projet ou assis pour l’heure du lunch, que ce soit dans les transports en commun ou dans les évènements. Alors, pourquoi croire qu’il ne faut pas demeurer assis, c’est si accessible, c’est la norme, pas vrai? Eh bien, la norme est la cause indirecte de plus de 67 milliards de dollars par année aux États-Unis en soins de santé (OMS) et plus de 80 milliards de dollars en Europe (European Health Network)…  

Pour conclure, s’asseoir pendant de longues périodes ininterrompues peut avoir des conséquences néfastes sur notre santé, mais savons-nous réellement comment cela affecte notre corps à un niveau cellulaire et chimique? En approfondissant notre compréhension des mécanismes sous-jacents de la sédentarité, nous pourrons mieux cibler les interventions pour prévenir les maladies liées à la sédentarité. Cela est le défi des scientifiques et chercheurs du domaine de l’activité physique et de la santé! Nous, notre défi est de bâtir des habitudes de vie qui diminuent les opportunités d’être sédentaire. Plusieurs habitudes simples et efficaces comme se lever pour marcher 5 minutes à chaque heure ou se lever pour faire de petits étirements sont amplement suffisantes pour briser le cycle. Je vous recommande à nouveau l’article de Cynthia Labrecque « Suis-je sédentaire sans le savoir? » pour mieux vous renseigner sur les trucs et méthodes possibles pour réduire son niveau de sédentarité! Après tout, c’est simplement notre santé qui est en jeu!